CHAPITRE 7
Il existe une race d'hommes et une race
de dieux qui,
toutes deux, ont reçues d'une même mère le souffle de la vie.
Mais une force divergente les maintient écartelés, de sorte que
l'une n'est rien, tandis que l'autre a fui des cieux embrasés
Sa citadelle pour l'éternité
Pindare
"Sixième Ode à Némée"
EXTRASTELLAIRE
En route pour la planète bleue!
Les boucliers d'énergie sont au minimum de façon à limiter les dépenses. Sur la
surface obscure de la planète double Pluton-Charon, un point lumineux brille par
intermittence... laissant supposer la présence d'un mineur-pirate; j'en prends bonne note
et le communiquerais ultérieurement à la Police Galactique. Nos deux vaisseaux flottent
lentement dans la noirceur inquiétante du vide cosmique. J'avale un revitalisant car la
fatigue tend à s'insinuer. M'attardant du regard sur la grille du scanner principal, je
compose l'indicatif de l'Eridan.
- Quoi de neuf?
- Nous avons obturé la plupart des brèches de la coque interne, Bob est occupé sur le
blindage du bloc de propulsion.
- Ok! J'ai capté quelques émissions locales terriennes... à part des reportages sur la
guerre, il n'y a pas grand chose sauf peut-être ce problème de cône de protection
spatial américain et les divers réseaux de détection couvrant une large partie de la
planète; ces gens-là ont la détente facile: tirer en premier et discuter après!
- Effectivement, nous aviserons aussitôt croisé l'orbite de Mars. Le circuit secondaire
du vidéocom à l'air de tenir; ce n'est pas la panacée mais ça tient! Autre chose
Michel?
- Négatif! Ah oui... j'ai pointé, entre Uranus et Neptune, l'écho d'une sonde identique
à Voyager; rien de très intéressant. A tout-à-l'heure... ciao!
L'image disparaît et l'écran redevient opaque.
Dans la périphérie de Neptune, je m'assure que la
balise remplisse correctement sa mission; sur l'écran de mon scanner s'affichent les
informations relatives à notre résurgence... Parfait! Du coin de l'oeil, je surveille le
débit du photopropulseur photonique principal ainsi que l'augmentation de la température
dans les tuyères d'éjection. Un voyant d'alerte m'avise qu'un engin vient de pénétrer
dans notre sphère de détection... il s'agit, de prime abord, de la sonde automatique
décelée précédemment. J'enregistre les paramètres... à toutes fins utiles.
Uranus et ses anneaux... Cette boule bleu-verdâtre flotte dans le vide interstellaire
escortée d'une quinzaine de satellites. Son atmosphère d'hydrogène paraît lisse
malgré quelques nuages de méthane. J'ai tenté, sans succès, de rétablir le contact
avec Lotan... Qui plus est, la carte quadrimensionnelle ne veut rien savoir; j'ai la nette
impression qu'elle est définitivement morte!
Aidé de mon officier, nous sommes sortis effectuer diverses réparations de première
urgence sur la coque de notre navire... Le pauvre en a pris un sale coup! Mais ce n'est
pas le seul, l'Eridan est en piteux état. Régulièrement nous nous contactons dans le
but d'échanger les dernières nouvelles, questions de se remonter le moral. Le temps
s'écoule avec lenteur mais je ne peux me permettre d'excès en matière de vitesse...
sécurité oblige!
Le lieutenant Verrat tente de localiser la panne de
notre translateur, ce qui n'est pas une mince affaire. Je l'observe à la dérobée; il
est couché sur le dos, aux trois quarts avalés par la console du centre de
transmissions.
Les perturbations d'origine magnétique sont telles, que j'ai dû couper le son de mes
capteurs extérieurs qui crépitaient. Je quitte ma platine afin de me dégourdir les
jambes et me dirige vers la baie vitrés du poste de pilotage. A travers cette dernière,
un spectacle féerique s'offre à mes yeux. Saturne et sa formation dite "anneau de
Saturne". Nous n'en sommes distant que d'environ treize millions de kilomètres. Une
petite tache rouge d'une dimension de 6'000 kilomètres flotte par 55deg. S ainsi qu'une
longue bande ondulante par 46deg. N. Sur tribord, les brumes rougeâtres du satellite
Titan, apparemment due à des hydrocarbones, sont offertes à ma vue.
J'ai traîné ma carcasse dans presque tous les recoins de la galaxie; visité des cieux
que personnes ne reverra... mais jamais je n'ai pu rester impassible devant la splendeur
du vide spatial où les planètes trônent telles des reines dans leurs robes chatoyantes.
Des souvenirs refont surfaces dans ma conscience; de certains j'en souffre encore car ils
ont laissé leur empreinte indélébile dans mon coeur; d'autres font partie du décor
professionnel... Je ferme les yeux pour mieux me décontracter; qu'elle poisse ce cafard.
Je me secoue mentalement... il faut que je m'active. Je retourne devant mon pupitre de
commande, et je vérifie les différents paramètres afin de déjouer l'attraction
saturnienne. Je pousse d'un cran en direction de Jupiter. D'un commun accord, nous avons
stoppé toutes excursions sur la coque jugeant que le milieu était par trop hostile.
Nous voici arrivé aux portes de l'étoile ratée: Jupiter! Ici, une pression de deux
millions de bars confère à l'hydrogène la forme métallique à 63'000 kilomètres de
son centre. Dans l'hémisphère Sud, émergeant à huit kilomètres de la couche nuageuse
environnante, la grande Tache Rouge, longue de plus de 28'000 kilomètres, règne dans
l'atmosphère jupitérienne. Là aussi, les parasites d'origines électro-magnétiques
empêchent toutes liaisons vidéocoms entre nos deux croiseurs. Nous frôlons la surface
de Io, l'un des dix-huit satellites jupitériens, dont l'intense activité volcanique me
fascine.
Une fois passés les orbites des géantes gazeuses,
J'en profite pour modifier et rectifier notre cap, tout en restant dans le plan de
l'écliptique. J'ai passablement freiné l'allure et les croiseurs naviguent de concert.
Les Orkasiens ne se sont jamais aventurés aussi profondément dans la galaxie mais
quelque chose ne tourne pas rond; je ne peux pas expliquer cet état de fait. J'ausculte
la grille de détection... rien! Par chance, les Terriens n'en sont qu'aux balbutiements
de la technique spatiale. Je me redresse brusquement, aux aguets. Il me semble avoir
entraperçu un écho furtif sur l'un des nombreux astéroïdes de la ceinture; par souci
de sécurité je réactive les déflecteurs.
- Eridan de Milkyway, énergise tes écrans! J'ai relevé la présence éventuelle d'un
engin qui tente de fondre son écho avec celui d'un astéroïde en bordure d'une lacune de
Kirkwood.
- Rien n'apparaît sur mon scanner, ne pourrait-il pas s'agir d'une aberration thermique?
- Bah! Je n'ai rien de concret mais je me fie à mon intuition; la réverbération a duré
une fraction de seconde juste de quoi accrocher mon attention. Le contact est à dix
microns sur tribord.
- Ok! Pour ma part, j'ai armé l'un de mes Perkins; l'Eridan est en défense active.
J'ai toujours cette désagréable sensation de présence... amis ou ennemis? Je ne saurais
le dire. Mais voilà que tout ce précipite!
- Charles, tu dois maintenant relever le dédoublement du curseur sur ton écran!
- Affirmatif, je décroche en couverture sur ton nadir.
Le navire inconnu s'écarte doucement du bloc auquel il était rattaché. Je n'ai jamais
rien vu de pareil. La forme est sphérique et lisse, aucune structure externe... mode de
propulsion indétectable; ce n'est pas un vaisseau fédéré ou orkasien. Il se rapproche
invariablement de notre position... je n'aime pas trop çà. Tiens? Il stoppe à cinq
microns. J'enclenche sur ma droite le vidéocom et commute sur la fréquence de la
Fédération.
- Ici le croiseur Milkyway de la Force d'Intervention
Galactique. Vous êtes en infraction avec les lois régissant la Fédération Galactique;
cette zone est un site protégé donc prohibé à tout vol hyperspatial. Veuillez vous
identifier s'il vous plaît!
Le bide complet, pas de réponse; la tension monte d'un cran. Je me redresse face au
vidéocom et refais une tentative.
- Vaisseau non identifié, vous êtes en violation de zone galactique, veuillez vous
annoncer!
- crrr... doucement étranger, n'ayez crainte, patience le temps de syntonisation... crrr
Cette voix inconnue est douce mais ferme. L'écran grésille mais l'image ne se forme
pas... problème de compatibilité?
- C'est le commandant Ashtar Angkor qui vous parle, à bord du reconnaisseur Khmer Â,
membre du Conseil de l'Empire et Colonel des Forces Armées Impériales... que l'Oeil du
Grand Architecte de l'Univers veille sur vous. Je souligne le fait que c'est vous qui
êtes en un secteur défendu à tout trafic hyperspatial selon le code de l'Empire!
Naturellement c'est sur moi que cela tombe. L'impasse totale... je suis vraiment le roi de
la diplomatie cosmique, tout en finesse bref, parlons peu mais parlons bien!
- La bienvenue Colonel... Que la Paix soit avec vous! Ici le major Michel Lorrain à bord
du Milkyway, navire de guerre représentant la Fédération Galactique... Nous venons en
émissaires de paix sans aucune intention belliqueuse. Le second cosmonef est sous
l'égide du capitaine Charles Tisons, membre des forces fédérées. A priori, il semble
que nos gouvernements respectifs souhaitent protéger de tout ingérence étrangère cette
minuscule fraction de l'espace.
- C'est tout-à-fait cela Major. Pour des motifs que je ne vous expliquerais que de visu,
l'Empire est désireux d'assurer la neutralité de ce système solaire... son écosystème
est en pleine évolution. Malgré tout, nous ne regardons pas trop sur la périphérie;
nous axons notre "protection" sur la troisième planète... la Terre! L'Empire
ne tolère aucune ingérence extra-solarienne ici-bas. Néanmoins, vous êtes libre de
circuler où bon vous semble! J'espère que je me suis bien fait comprendre? Je réitère
notre offre de bienvenue... nous n'avons pas soif de conquête et je ne porterais point
atteinte à votre intégrité personnelle. Nous détruire mutuellement ne nous avancerait
à rien, seul le dialogue permet une ouverture!
- Colonel Angkor, vous parlez en homme de paix. Votre message reflète votre sagesse. Nous
ne sommes point des conquérants et je ne désire pas d'affrontement. Nous naviguons dans
ce système solaire afin de réparer en atmosphère positive certaines avaries
secondaires. La Terre correspond au modèle requis. Il va de soi que nous avons également
établi un traité de non-ingérence directe dans une zone protégée de la Fédération
Galactique... à tout astronef connu ou inconnu!
- Merci Major, je constate que notre marge de manoeuvre est bien arrêtée. Qui plus est,
vous faites preuve d'une grande confiance en nous avouant être en difficulté technique.
En témoignage de cette estime, je soulignerais le fait que nous ne possédons pas
d'armement offensif sur le Khmer Â... étant un Reconnaisseur. Seul un écran d'énergie
nous assure une protection efficace contre toute agression extérieure. Mais ne
tergiversons pas indéfiniment, ne pourrions-nous pas envisager une rencontre physique à
notre bord... ou selon votre convenance?
- Volontiers! Reste à régler certains détails d'ordre de compatibilité.
- Les conditions physiques régnant dans le Khmer  sont presque identiques à celles que
vous rencontrerez sur SOL3. Je vous attends!
Je romps la communication, sous le charme de cet être.
- N'est-ce pas se jeter dans la gueule du loup? suggère mon subordonné, me ramenant du
même coup à la réalité.
- Qui sait? Lieutenant, vous maintiendrez les bouliers défensifs aux trois quarts de la
puissance de plus, je serais en vidéoliaison directe... au tour de l'Eridan - le visage
de Charles est soucieux - Es-tu prêt?
- Oui et non... nerveux comme lors de nos examens d'admission à l'Académie Militaire
Lotanne sur Zarece.
- Sacrés souvenirs... Bob?
- Déjà sur le pied de guerre, le pauvre trépigne d'impatience, je vais le rejoindre et
nous sortons.
Les dés sont jetés, pas possible de faire machine
arrière. Psychologiquement, le paralux pèse lourdement sur ma hanche et me semble
parfaitement inutile face à la masse imposante de ce globe inconnu. Je n'arrive pas
encore à comprendre mon acceptation intuitive... J'enclenche le computer de mon
spatiandre et marche vers le sas ventral.
- Lieutenant Verrat pour un contrôle de liaison comment me recevez-vous?
- Je vous reçois cinq sur cinq Major. J'ai une image parfaite... Bonne route!
- Merci! A tout-de-suite. Terminé!
Là, dans la soute, Voyager repose immobile dans un coin; sur le clavier de l'avant-bras
gauche de mon armure, j'introduis les différents paramètres autorisant l'ouverture des
panneaux blindés donnant accès vers l'espace extérieur. Le klaxon rugit pour la mise en
apesanteur tandis que le gyrophare vire au rouge pour l'atmosphérisation nulle.
Lentement, les lourds battants s'écartent sur la noirceur de l'infini. En contrebas, mes
acolytes me font de grands signes...
- L'action me manquait!
La voix de Bob tonne dans mon casque... volume trop haut.
- Il ne s'agit pas d'une opération de commando mais d'une première prise de contact avec
une race inconnue à priori technologiquement en avance au vu de leur astronef... douceur
mais fermeté, nous ne connaissons pas leur potentiel énergétique.
- Ouais! Tu as toujours le bon mot pour gâcher mon plaisirs... Bref! J'avais déjà
branché mon oculaire sur la vision élargie de mon spatiandre!
- Ce n'est pas nécessaire car je suis en vidéoliaison avec le Milkyway. Sécurité
primordiale!
- Tu penses à tout Michel... Allons-y!
La sphère flotte à quelques centaines de mètres, la fluorescence typique d'un champ de
force est visible... autant significative que la nôtre. Une ouverture se matérialise sur
la coque de l'engin, cercle aveuglant précédé d'un tunnel cylindrique lumineux dans
lequel nous nous glissons.
- Bizarre, émet Charles, je sens le rétablissement progressif de la gravité cependant,
nous n'avons toujours pas atteint le Khmer Â.
- Excellente manipulation des champs d'énergie dérivée, précisai-je. Nous n'ôterons
nos spatiandres qu'après vérification atmosphérique.
Ah! Nous prenons pied à bord. Derrière nous, plus une trace du corridor de lumière...
quatre murs lisses verts pâle nous entourent tandis qu'un bourdonnement se fait ouïr.
- Ils nous décontaminent...
- ... ou nous passent au scanner aux fins d'identification biologique.
Nous scrutons méthodiquement les parois, le sol et le plafond sans y découvrir le
moindre indice, la pièce est hermétique.
- Les premières analyses de mon ordinateur révèlent un taux supérieur d'oxygénation
de l'air ambiant... la pesanteur est à 1,2... Michel, tout est en ordre, bactériologie
négative ainsi que radio-activité.
- Merci Bob. Ce bruit a afin cessé.
- Là! s'exclame Charles en portant instinctivement la main à son holster tout en
désignant le centre de la pièce où une bille éblouissante vient d'apparaître, se
transformant rapidement en un rectangle ressemblant à une porte.
- Puisque l'on nous présente la sortie, profitons-en!
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