CHAPITRE 13
Le CERN ne poursuit que des objectifs
pacifiques;
mais sa tradition de large hospitalité lui interdit
de refuser la collaboration d'un chercheur travaillant
dans une société, coopérant elle-même avec une autre
dont une partie des contrats, même réduite, est
passée avec une institution militaire
Christian Nugue
Extrait de "GEO No 133/mars 1990"
C.E.R.N.
C'est décidé! L'intervention dans le CERN
s'effectuera ce soir. Selon Thorn, le moment propice à une action de ce genre est l'heure
de la relève du service de sécurité. C'est à cet instant que les mailles du filet sont
les plus larges. De plus, une nuit sans Lune nous offrira une couverture supplémentaire.
Tout en faisant quelques pas aux abords de la piste de l'aéroport Genève-Cointrin, je
réfléchis aux modalités de l'intervention. Primo, tenue légère, minimum d'équipement
soit vidéocom et phaser. Secundo, pas de spatiandre... trop visible. Si le chronométrage
est respecté entre l'équipe de couverture et mon groupe, nous jouons sur du velours.
Mais au moindre accrochage, cela peut tourner à la catastrophe. Je relève le col de
fourrure de ma veste et presse le pas en direction de la villa. Le temps est clair, pas de
pluie en prévision. Dans mon esprit, une sonnette d'alarme est tirée mais je n'arrive
pas à trouver ce qui cloche; il y a une faille et je ne la vois pas! Ca m'énerve
d'autant plus. Par un détour de la route, j'aperçois, à travers la haie bordant la
villa, mes hommes qui se préparent. J'accélère le pas dans leur direction.
- Bonsoir Messieurs, lançai-je à la cantonade. Allons tous à l'intérieur pour la
dernière mise au point. Thorn, ta femme peut-elle nous préparer du café s'il-te-plaît?
- Tout de suite! rétorque l'intéressé.
- Merci... tu nous rejoins après!
Nous faisons de la place sur la table du salon et y déplions le plan du CERN, plus
précisément le site de Meyrin. Le Terrien redescend avec une cafetière dans la main.
- Bon! Tout le monde est là... Parfait! La situation est la suivante: l'équipe d'appui
formée du capitaine Fallow, secondé par le lieutenant Verrat et l'astro Contis
pénétreront dans la zone par le chemin de Franchevaux, à la hauteur de la route Pauli.
Escalader le treillis ne représente pas un problème majeur. Ah! Je tiens à préciser
une chose... vous allez tous aligner vos digitaliseurs sur le mien. Attention... top! Il
est 1834h. et la relève s'effectue à 1930h. précise. Jusque là y a-t-il des questions?
Aucune très bien. Je continue... Bob, à plus une tu es dans la place. Tu longes Pauli
jusqu'au niveau de Lawrence. Là, tu vires à gauche et remonte Démocrite. Au bout de la
rue, tu tournes à gauche dans Rutherford et tu stoppes vers les boosters, après le dos
d'âne. Nous serons sur place et la voiture sera garée sur le parking du bâtiment 513.
Vous vous y installerez; toi au volant, lieutenant Verrat à l'arrière gauche. Quant à
vous Contis vous aurez la portière arrière droite ouverte, vous serez prêt à parer à
toute éventualité...
- Où serez-vous Michel? s'enquiert le commandant Tisons
- J'y arrive Charles... En ce qui te concerne, tu resteras au vaisseau. Je veux que dans
le pire des scénarios tu puisses procéder à la mise en route du système
d'auto-destruction du Milkyway et que tu tentes de regagner l'espace avec l'Eridan.
Est-ce-bien claire pour toi?
- Affirmatif. Néanmoins...
- Je ne veux pas le savoir. Il est exclu qu'un des croiseurs ou que du matériel, quel
qu'il soit, reste en mains des Terriens! Je me suis bien fait comprendre Charles?
- Oui! Oui!
- Ok! Je poursuis donc avec Thorn. Nous accéderons par l'entrée principale, après la
réception. Nous vous aurons au préalable déposé au bas du terrain de Franchevaux à
moins cinq. Une fois le contrôle traversé, nous nous rendrons directement dans le
secteur booster pour gagner le laboratoire. Normalement, je dis bien normalement, tout
dois jouer au poil...
- Alors pourquoi intervenir par infiltration illégale? s'exclame le colosse.
- Question judicieuse Bob, à laquelle je laisserais le soin à Thorn de répondre.
- Merci Michel! J'ai appris de sources sûres, qu'une personne de mon équipe a découvert
le pot-aux-roses et l'a dénoncé aux autorités compétentes...
- Son nom?
- Je l'ignore encore mais je suppute l'action négative de Glenn Smithee. Ce dernier a
déjà eu la puce à l'oreille il y a deux semaines en étudiant la carte NAVCOM de
l'Eridan... Pour information, seule la carte du nanordinateur se trouve encore au CERN. Le
solde des instruments a été rapatrié ici. Ce type ne m'a jamais parlé ouvertement de
sa "découverte". C'est un homme déterminé et s'il travaille, comme je le
soupçonne, pour le gouvernement américain, il y a toutes les chances à parier que notre
gaillard a envoyé un rapport circonstancié à qui de droit. Mon informateur ne peut
être mis en doute... c'est ma femme!
- Quoi! m'écriai-je, Susan est au courant pour Smithee...
- Pas tout-à-fait. Je m'explique; lundi dernier, toutes les épouses et amies de ceux qui
travaillent dans mon équipe ont fait un souper dans un restaurant classe de la ville. A
cette occasion, elles ont échangé leur point de vue sur la situation globale de part le
monde. La discussion a peu à peu dévié sur le boulot... et c'est là que le terme
"espion" a émergé de la conversation, à propos de Glenn Smithee. Il aurait
déjà lorgné l'avance de certaines expérimentations dans d'autres départements.
- C'est un homme dangereux! Où loge-t-il?
- Je ne le sais pas Michel... sur France éventuellement. Ce que je crains maintenant,
c'est une action concertée entre les services secrets américains et notre gars.
Aujourd'hui, il m'a paru très tendu, dans l'attente d'un événement imminent. Il nous
faudra être prudent.
- Merci pour ces précisions Thorn. Tu remercieras par la même occasion Susan pour son
aide indirecte mais oh combien précieuse. Maintenant, si vous le voulez bien, nous allons
nous mettre en route... Il est moins quinze. Je rappelle qu'à zéro l'opération est
lancée!
Par cette soirée de décembre, la voûte céleste est
claire et on peut admirer la Voie Lactée qui la traverse. Il fait froid et une légère
Bise souffle sur le plateau.
Moins cinq: nous avons largué l'équipe de soutien sur le bord de la route du Mandement.
Après les ultimes recommandations, nous quittons les lieux. Thorn effectue un demi-tour
à la signalisation lumineuse sise à la route du Nant-d'Avril afin de reprendre la route
de Meyrin, en direction de la douane.
Moins une: vert! Nous démarrons aux feux du CERN et tournons à gauche sur l'entrée
principale...
Zéro: nous stoppons le véhicule devant le barrage. Le garde, en pleine conversation avec
son collègue qui vient le relever, nous fait signe et, appuyant sur un bouton, enclenche
le mécanisme soulevant la barrière. Nous nous glissons à l'intérieur de l'enceinte
protégée.
Plus une: jusqu'à présent tout fonctionne selon le plan. Le groupe Fallow doit s'être
immiscé dans le pourtour du site. Si mes calculs sont bons, ils doivent arriver au niveau
de Bakker. Nous braquons dans Démocrite.
Plus trois: la dénivellation s'accentue et nous nous approchons des boosters. Le dos
d'âne franchi, nous redescendons dans les parkings de l'immeuble 513.
Plus quatre.
- As-tu observé cette voiture? murmurrai-je à mon coéquipier.
- Ouais... un véhicule banalisé de la sécurité! C'est étrange, nous ne sommes pas
seul sur le coup! Jette un oeil plus en avant...
- Une Audi quattro blanche portant des plaques F/431K... Smithee?
- Immanquablement! Ce que je ne comprend pas... enfin bref! Ne tergiversons pas et
allons-y. S'ils veulent la bagarre hé bien ils seront servis.
Nous garons notre Toyota sur le côté, non loin de l'entrée du labo.
- Patientons encore quatres minutes, Thorn. Il est plus six à présent... je coupe le
digitaliseur.
- Personne ne bouge en face... Mince! J'ai oublié le vidéocom chez moi... J'étais
pourtant certain de l'avoir placé dans le vide-poche...
- Ca ne fait rien. On y va maintenant; laisse tes clefs au contact pour Bob!
Nous descendons de la voiture et nous nous faufilons jusqu'au dernier niveau, celui de la
salle de sûreté du projet L3. Le monte-charge est rapide et silencieux. Les battants
s'ouvrent sur le labo baigné dans la douce clarté des écrans de contrôle. Nous
avançons précautionneusement entre les bancs d'essais lorsqu'un ordre claque sèchement
dans notre dos.
- Stop! Finis de jouer Messieurs, veuillez vous retourner calmement et sans
précipitation.
La lumière jaillit, inondant la pièce. Devant nous, arme au poing, Glenn Smithee nous
dévisage avec arrogance. A ces côtés, un individu, appartenant visiblement au service
de sécurité, balance nerveusement sa matraque en mâchant son chewing-gum.
- Je vois que vous n'avez pas perdu de temps Smithee...
- Ta gueule Roginski! Je ne connais pas la provenance du matériel électronique que vous
avez repris chez vous... Malgré votre rapidité d'action, je vous ai subtilisé une
petite carte qui fera le bonheur de mes patrons. Je n'ai jamais eu l'occasion d'examiner
des pièces d'une telle complexité et montées dans une usine terrienne. Vous souhaitez
certainement me le dévoiler monsieur... A qui ai-je l'honneur?
- Major Lorrain de la Force d'Intervention Galactique, rétorquai-je sur mes gardes. Vous
n'aboutirez qu'à un échec Smithee. Si vous tentez la moindre action à notre encontre,
vous vous en mordrez les doigts toute votre vie... si vous l'êtes encore!
- Ah! Ah! Des extra-terrestres maintenant... quoique! Au vu de l'équipement, je ne doute
pas un instant de vos origines. Les responsables de mon département ont déjà eu à
traiter avec de vos congénères en 1947, lors du crash d'un de vos vaisseaux dans le
Nouveau-Mexique. C'est fantastique, d'une pierre deux coups! En vous interpellant ce soir,
mon collègue et moi-même allons rentrer dans les manuels d'histoire et nous remplir les
poches. D'où venez-vous?
- De très loin... mais personne ne vous croira! Votre seule preuve tangible est fragile,
trop fragile. Vous raconterez votre histoire tout azimut... mais la machine militaire se
chargera de vous faire taire. On vous enfermera dans un asile pour aliéné... vous
passerez pour un fou!
- Négatif Major! Ma hiérarchie me soutiendra. Qui plus est, vous leur narrerez de A à Z
votre expédition sur Terre. Une fois dans les doigts pris dans l'engrenage, vous
n'échapperez point à votre destin de futur prisonnier.
Le Terrien me hurle presque cette dernière phrase. Il est tellement nerveux qu'il en
oublie le contrôle de son arme. J'observe Thorn à la dérobée qui se rapproche avec une
lenteur toute calculée de l'interrupteur.
Brusquement, les lumières s'éteignent. Je me jette
à plat-ventre, côté porte, tout en dégainant mon phaser. Un coup de feu claque et
j'entends le projectile siffler à mes oreilles et finir dans un grand bruit de vitres
cassées. J'appuie sur la détente de mon arme et détruit le module de transmissions
internes. Nous partons au pas de course dans les méandres des couloirs intérieurs.
D'autres coups de feu résonnent dans les sous-sols et les balles vont s'écraser dans le
mur de la cage d'escaliers. Nous grimpons prestement les escaliers de secours et
émergeons sur le parking. Au centre de celui-ci, l'automobile est là, moteur en marche,
phares allumés.
- Dégage! hurlai-je à l'intention de Bob. On lève l'ancre! Grouille-toi!
Thorn a juste le temps de plonger dans la Toyota par les portières arrières, que
celle-ci se met en mouvement dans un crissement de pneus. J'entraperçois nos poursuivants
surgir de l'ascenseur et s'engouffrer dans le véhicule de la sécurité qui démarre
aussitôt, gyrophares enclenchés. La voiture décolle sur le dos d'âne et retombe
lourdement. Nous filons dans Rutherford à vive allure; au bout de la route, nous virons
à droite dans Einstein. Le 4X4 part en dérapage, mord la bordure du trottoir et reprend
sa course effrénée. Smithee est toujours derrière nous; une balle traverse de part en
part l'automobile, brisant les pare-brises avant et arrière.
- Il est complètement barge se mec! vocifère Thorn qui ne goûte guère à cet exercice
de style. Il va finir par nous descendre... Attention!
Sur la gauche, à la hauteur de la route Pauli, surgit un autre véhicule de la sécurité
et qui tente de nous couper le chemin. Avec l'avant de notre machine, nous le poussons sur
le muret du bâtiment 172 contre lequel il va se fracasser dans un bruit de tôles
déchirées.
- Un en moins, murmurrai-je les dents serrées.
Nous avons perdu du terrain lors de notre carambolage. Nos ennemis nous talonnent... Un
brusque tête-à-queue nous amène dans Bakker pour aussitôt reprendre Block. Smithee et
son acolyte nous serrent de trop près à mon goût! Le rayon infra-mauve du phaser
percute le capot et traverse le bloc moteur. La voiture continue tout droit et fini sa
course contre des bornes bétonnées de la route Maxwell. Ses occupants s'en extirpent et
vident leurs chargeurs dans notre direction... les impacts tintent lugubrement dans
l'habitacle.
- Accrochez-vous! C'est un cul-de-sac! éructe notre chauffeur.
Dans un vacarme épouvantable, la Toyota Land cruiser défonce la barrière du poste de
garde, traverse le chemin de Franchevaux, rebondit à plusieurs reprises sur le sol et
termine sa course effrénée contre la clôture du terrain du concours hippique.
- Ouf! On est passé! Tout le monde va bien? Pas de
blessé... Contis! Que ce passe-t-il mon vieux?
- Pff... j'ai été touché dans le dernier bout droit Major, lorsque vous avez tiré sur
nos poursuivants... J'ai ressentis une brûlure à la cuisse puis un écoulement de
liquide chaud le long de ma jambe. Par chance, la balle est ressortie!
Le pauvre est tellement pâle qu'il en est transparent. Quelle deveine! Il serre les dents
et son corps est agité de haut-le-corps... Je déchire le haut de son pantalon et
découvre la plaie; Contis est courageux car le projectile était déjà déformé par son
passage au travers de la carrosserie. En pénétrant dans sa chair il n'a laissé qu'une
marque de faible diamètre mais en émergeant, il a créé des dommages plus conséquents.
- Nous allons vous téléporter jusqu'au navire où le DIR.DOC se chargera de vous
soigner. Pour le moment, je vais vous injecter un antalgésique... je ne me sépare jamais
de ma trousse d'urgence.
- Merci Major...
De ma poche intérieur, j'extrais le minuscule nécessaire de premiers secours. J'applique
la seringue automatique sur la jambe de l'astro. Le liquide se répand rapidement dans le
corps du blessé et calme aussitôt la douleur.
- Personne d'autre n'a été touché? lançai-je à la cantonade. Ok! Bob, tu peux
démarrer s'il-te-plaît.
Notre voiture roule à une allure modérée dans le
Mandement. Je me retourne afin de dévisager le visage de mes collaborateurs.
- Merci Bob pour ta conduite émérite... Nous te devons une fière chandelle! Malgré
ceci, nous avons fait chou-blanc. Notre opération a été un fiasco sur toute la ligne...
- Michel, j'ai une proposition à te soumettre.
- Vas-y Thorn!
- Il est à présent clairement établi que des éléments de la sécurité du CERN sont
de connivence avec notre homme... De toute évidence, une autre épreuve de force
échouerait vu que l'effet de surprise est passé. Reste à savoir si Smithee va
réapparaître demain matin au labo, dans lequel cas il nous faudra feinter et découvrir
le défaut de sa cuirasse...
- Halte! émet Louis Verrat qui sort de son mutisme depuis le début de la poursuite. Il
ne faut pas se perdre dans les détails... Nous devons stopper cet individu... et lorsque
je dis "stopper", éradiquer serait plus approprié!
- Excuse-moi Michel, fait Thorn, je n'ai rien compris... En quelle langue parle-t-il?
- C'est du fédéral. L'idiome officiel en usage dans la Fédération Galactique.
Lieutenant, ayez l'amabilité de vous exprimer en terrien... Merci!
- Pardonnez-moi! Je me suis laissé emporter. Il est bien clair qu'une solution temporaire
ne saurait être acceptable et que seule une intervention concertée doit être appliquée
à son encontre...
- Je vois où vous voulez en venir Lieutenant. Je me refuse à toute action extrémiste!
En tant que responsable de cette mission sur Terre, je ne veux pas interagir à nouveau
dans le cours de l'Histoire... Les événements de tout-à-l'heure vont laisser des traces
quelques peu insolites. Nous avons agis avec proportionnalité... Il nous a fallu
défendre nos vies, et l'astro Contis en a fait la dure expérience! A présent, nous
allons prendre un repos bien mérité; nous aviserons dans la matinée! Encore une
chose... Bob, as-tu eu un contact avec Charles?
- Négatif, aucun! Le plus préoccupant est que l'appel a été quittancé par un AUTRE
VAISSEAU! Je voulais t'en toucher un mot mais les événements en ont décidé autrement.
- Quoi? J'ai le souffle coupé... un autre navire dans la banlieue terrestre et si
seulement c'était... je n'ose espérer. Continue Bob! Donne-nous des informations
concrètes...
- Je te le répète, il y a un astronef qui se balade au-dessus de nos têtes, dans les
parages immédiat de Sol3 et dont le centre de transmissions a pris la relève. Il ne
s'agit pas de nos amis basés sur la Lune, nous l'aurions su de suite! Effectivement...
Reste l'hypothèse la plus folle mais la plus réjouissante: un cosmonef fédéré!
- Un Globe aura détecté l'émission de notre balise de détresse et répercuté
l'information à la hiérarchie. Bien! Ceci dit, grouille-toi de nous ramener à la villa!
Je veux translater notre blessé dans les plus brefs délais. Je tiens à savoir de quoi
il en retourne.
Toutes les lumières de la villa sont éteintes. Je
prie Thorn de ne pas allumer afin de ne pas réveiller sa femme... et les voisins. Nous
extrayons l'astro Contis qui s'est assoupi malgré la douleur. Le lieutenant Verrat
écarte les battants du garage et nous déposons délicatement le blessé sur le seuil du
translateur.
- Bien! Thorn, je te recontacte tout-à-l'heure dans la matinée... va dormir, tu en as
fortement besoin.
- Merci Michel, merci les gars... Bonne nuit!
Silencieusement, le terrien se glisse sous la véranda et disparaît de notre vue.
J'introduis le code d'accès au vaisseau et nous nous regroupons tous dans l'axe de
transfert. Bref éclair, et nous débarquons à bord de l'Eridan. La mine épanouie de
Charles nous surprend à notre arrivée...
- Nous sommes sauvés! Sauvés! Je n'ai pas pu vous contacter car le terminal est en
liaison avec... le destroyer Mérignac! Hé oui! Oh! Vous en faites une gueule... Par
l'espace!
- Descend brancher le DIR.DOC. Je t'expliquerais par la suite!
Contis ne cesse de gémir, son pouls est irrégulier et faible... typique d'un état de
choc. Pourvu qu'il tienne le coup! Je le sens glisser dans un état comateux.
- Passez devant, Verrat... là! Doucement... Ok voilà. Quel foutoir! Bob, gaffe à la
tête!
Les échelles intermédiaires sont trop étroites pour passer de front. Je place le
blessé sur les épaules de mon second et descend à mon tour. La salle médicalisée
baigne dans la lueur verte des écrans de contrôle. Nous allongeons l'astro dans le
caisson régénérateur et aussitôt je visionne les fonctions vitales qui sont au plus
bas... Je fronce les sourcils. Trois morts jalonnent le chemin parcouru. Cette mission, à
peine entamée, se révèle des plus périlleuse.
J'éclaire la lanterne du capitaine Tisons quant aux
tenants et aboutissants de nos pérégrinations en territoire genevois. J'évoque notre
chassé-croisé dans le CERN et notre escapade forcée. De même, je m'enquiers sur cet
appareil fédéré naviguant dans le système solaire.
- De mes premières constatations il ressort que la balise, éjectée du Milkyway à la
résurgence du collapsar, a été détectée par un Globe, lequel a envoyé le destroyer
Mérignac a notre rescousse.
- Quel est l'officier commandant ce navire? s'enquiert Bob.
- Le major René Duvallon... un vieux de la vieille! Son entêtement lui a valu quelques
problèmes avec sa hiérarchie. J'ai ressorti son dossier personnel de la FIG, si cela
t'intéresse.
- Merci mais...
- Commandant! Le lieutenant Verrat nous interrompt l'air bouleversé. Contis est... mort!
- ...
- Il a perdu trop de sang. Un éclat s'est séparé lors de la pénétration et a coupé
une artère interne... Il n'y a plus rien à faire!
Et de quatre! Pfft... Comment vais-je expliquer tous ces morts à leur famille respective?
Et dire que le plus dur reste à faire.
- Merci Lieutenant! Je suis... profondément désolé. Je sais que Contis était l'un de
vos camarades d'école et...
- Ce n'est rien Major. Elio faisait partie de l'élite et il est mort sur les champs
d'honneurs. Il n'aurait pas aimé que l'on s'apitoie sur son sort.
- Veillez à ce que son corps soit placé en hypercongélation. Nous ferons le transfert
des cadavres sur le Mérignac en temps voulu. Pour le moment, nous allons regagner nos
quartiers et dormir.
- A vos ordres!
Sale coup pour le moral! Je me retourne vers mes coéquipiers.
- Je contacterais le major Duvallon plus tard. Bob, tu t'occupes de placer l'appareil en
alerte de proximité et les boucliers au minimum.
- D'accord. Ce n'est pas de ta faute Michel... Nous avons fait l'impossible pour lui.
- Merci. Charles, envoie un avis et un bref rapport au Mérignac pour qu'il le fasse
suivre à Lotan.
- C'est déjà expédié! Le vieux Pop's a sauté de joie en apprenant que nous étions en
vie, mais a gueulé en sachant dans quelles conditions!
- Ouais, toujours le même. Bon, ciao les gars, je suis raide et je vais dormir!
J'émerge avec grande peine. Par l'espace! Il est plus
de dix heures du matin. Je suis fourbu... La glace de l'écran de mon bloc sanitaire
reflète l'image de ma tête ébouriffée. Je me rase au laser et prend une rapide douche.
La tonalité de mon sas d'entrée résonne dans ma cabine.
- Entre! lançai-je à la cantonade. C'est ouvert...
Bob courbe l'échine pour franchir le seuil de la chambre.
- Salut Michel! J'espère que tu es en forme...
- Ouais... Pourquoi?
- Smithee n'a pas réapparu au labo ce matin. Il a quitté précipitamment son domicile...
Au pas de course, Charles surgit des couloirs latéraux et s'interpose.
- Grouillez-vous! Je viens d'apprendre que notre homme a fait une réservation à
l'aéroport à destination des Etats-Unis!
Je jette un rapide coup-d'oeil à mon digitaliseur: 1050h... Par l'espace! Il va falloir
faire vite. J'enfile mon pantalon, attrape ma veste au passage, et au pas de charge nous
fonçons dans les dédales du vaisseau en direction du translateur. Tout en terminant de
m'habiller, je l'enclenche.
A notre résurgence, Thorn nous dévisage gravement.
- Charles? Voici les clefs de la voiture de Susan, elle est parquée devant le portail...
Madeleine vous attend à bord. Désolé Michel, mais le fonctionnement de ton bidule ne
m'est pas encore très familier et je n'ai pu vous avertir que tardivement. De plus, j'ai
eu beaucoup de peine à contacter la secrétaire de Smithee. Les pontes de la sécurité
sont en effervescence pour la nuit dernière... J'ai raconté une vague histoire de vol de
véhicule afin de calmer les esprits.
- Merci pour tout... A tout-à-l'heure!
Nous nous engouffrons dans la petite Peugeot 205 Turbo et, Charles au volant, nous
démarrons en trombe direction Genève-Cointrin.
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