CHAPITRE 3
Telle une petite planète suspendue dans
le vide incommensurable de l'Univers,
sans aucune étoile pour l'éclairer;
Telle une vigie immobile dans la noirceur
inquiétante de l'espace infini;
La station-base est le reflet même de la puissance
de la Fédération Galactique dans les Marches.
Bjorn Zenders
"La vie dans les îles de l'espace"
ANTINEAT
Un déluge de feu accueille le Milkyway et l'Eridan
lors de leur résurgence dans le continuum normal. L'univers tout entier semble s'être
embrasé... Des carcasses éventrées flottent sans vie, tandis que le flamboiement des
déflecteurs reflète la densité du conflit. Les astronefs extragalactiques de la Ligue
de la Subversion déversent un torrent de feu dans les rangs adverses, créant des pertes
énormes; les unités d'assaut de la Fédération Galactique sont décimées.
Un sifflement suraigu m'avise que je viens d'être "accroché missile" par un
navire ennemi. Le nanordinateur de bord commute le système de défense sur l'option de
combat tout en enclenchant les contre-mesures électroniques, brouillant de la sorte la
télédétection des engins lancés à notre rencontre. Je désengage le pilote
automatique et prends les commandes.
- Il nous faut sortir de la zone rouge au plus vite, m'écriais-je, pousse à fond tes
déflecteurs de poupe, branche ta console de navigation sur la mienne et deviens mon
ombre! Je passe devant.
- Bien reçu Michel, tu peux y aller, annonce Bob Fallow depuis l'Eridan.
De la main gauche, je déverrouille les cliquets de sécurité des missiles Arstron tandis
que de la droite je positionne le curseur du plot adverse sur la grille de mon scanner:
ACQUISITION D'OBJECTIF EN COURS... Le message flashe un bref instant, suivi de: CIBLE
INITIALISEE, rageusement je presse le bouton de mise à feu: LANCEMENT. J'observe
l'approche inexorable du chasseur sur sa proie... Les deux points se chevauchent une
fraction de seconde et disparaissent à tout jamais.
Le fait d'être accouplé avec l'Eridan m'handicape;
restreignant mon champ de manoeuvre, diminuant ma maniabilité. Mais en revanche, offrant
une capacité d'absorption d'énergie plus appréciable. Les déflecteurs arrières
s'illuminent et le vaisseau vibre de toutes parts sous les feux croisés des Dragonniens.
Je braque au nadir et remonte en chandelle, me plaçant dans le sillage de mon adversaire;
une demi-douzaine de salves de plein fouet sont nécessaires pour le volatiliser,
l'envoyant rejoindre ses camarades de combat dans le grand cimetière cosmique. Nous
avançons précautionneusement au travers du champ de bataille tout en nous éloignant de
son épicentre.
- Bob, on se désaccouple quelques minutes... je te restitue les commandes pendant
l'identification. Ah! Je viens d'accrocher la balise principale sur mon écran, mais avec
ces satanés Orkasiens dans le secteur, pas possible de faire de micro-sauts.
- Michel! J'ai cinq nouveaux échos sur mon scanner et qui arrivent sur une trajectoire de
collision...
- Ecarte-toi, il doit s'agir de Vipers de la galcop qui partent en renfort.
Un son strident se met soudain à résonner dans le poste de pilotage tandis qu'un voyant
vert pulse rapidement.
- Nous pénétrons dans le champ de sécurité de la base, m'informe le lieutenant Verrat,
je baisse les écrans avant et désactive les missiles.
- Très bien, acquiesçais-je, maintenez les déflecteurs arrières au cas où... on ne
sait jamais.
La station orbitale apparaît peu après sur les grilles des scanners.
- Contrôle Antinéat de Milkyway id: ALPHA.52818.ALPHA.37, comment me recevez-vous?
- Milkyway bonjour, je vous reçois quatre, identification?
- Major Lorrain en provenance de Lotan, priorité ALPHA-UNO, je viens de traverser la
balise Sierra.
- Couplage?
- Affirmatif, avec le cosmonef Eridan id: ALPHA.22458.ALPHA.61, capitaine Charles Tisons.
Donnée prioritaire similaire; destination non communicable.
- A.52818.A.37 bien reçu, autorisation d'activation du traceur, transpondeur 3811.
- Contrôle Antinéat de Milkyway 3811, je passe la balise Charly et la piste est en vue.
- Connectez-vous dans le secteur 22... système de défense sur passif. Suivez le vecteur
4,3,7 jusqu'au vecteur 4,4,zéro. Ensuite, vous apponterez. Terminé.
- Milkyway 3811 en approche, merci.
Lentement, je dirige les deux croiseurs de guerre vers leur port d'attache. Traversant les
diverses balises de la station orbitale, je passe en automatique jusqu'au sas d'accès.
- Michel? me communique Bob depuis son navire; j'ai mon centraliseur focal qui vient de
flancher... je m'en occupe de suite et vous rejoindrais dès que possible.
- C'est d'accord! Nous nous rendons au rapport d'escadrille.
D'un geste sec, je coupe le circuit du vidéocom. Accompagné de Charles, nous nous
introduisons dans l'ascogravit qui nous dirige vers la salle de conférence.
Sur l'estrade centrale, le colonel Pietre De
Rongemault a terminé son exposé. C'est au tour des différents commandants de vaisseau
de dicter leurs rapports.
- Mon Colonel... annonçai-je en nous mettant au garde-à-vous, major Michel Lorrain du
croiseur de guerre Milkyway, capitaine Tisons du croiseur Eridan.
- Repos Messieurs. Bienvenue à bord et prenez place, lance l'intéressé puis, se
retournant vers son auditoire - Suivant!
- De mon côté, commente le premier-lieutenant Yves De Blois de l'intercepteur Terrea,
j'ai vu tour à tour exploser les navires de mon escadrille... puis ce fut la flotte
entière à l'exception du Kartoon, de l'Astrad et du Terrea. Seules les épaves de mes
vaisseaux flottent désormais dans l'éther.
- Je tiens à préciser, reprend de plus belle un autre officier, que notre défaite est
due à notre incapacité technique face à une technologie plus évoluée encore... Leurs
rayons à base de quartzdium sont effrayants, qui plus est les Orkasiens n'ont aucune
pitié et ne font jamais de prisonniers.
- Je le sais pertinemment Messieurs, soupire le colonel De Rongemault assommé par les
événements, mais nous ne pouvons rien y faire...
- Comment ça "nous ne pouvons rien y faire"... Il y a déjà cent septante-cinq
ans que nous combattons pour la Liberté. La Fédération Galactique s'émiette de part et
d'autre... la Ligue de la Subversion gagne du terrain. Orkasis est un péril mortel! Il
faut détruire l'oeuf dans son nid.
L'officier marque un temps d'arrêt et poursuit son exposé dans une atmosphère lourde et
tendue.
- Sur les sept flottes dont nous disposons, il n'en reste plus que trois... Nous sommes
les seuls rescapés car nous avons la possibilité de visionner pendant nos sauts dans
l'hyperespace. Et durant ces translations, nous arrivons à annihiler quelques
transporteurs ennemis... mais ceci avec prudence car il ne faut pas oublier, Messieurs,
les charges de quartzdium! Ces dernières, lorsqu'elles entrent en fission, se
transforment en micro-novas, d'où le danger d'être également vaporisé. Je soumets donc
à l'assemblée ci-présente une requête pour l'obtention de renfort auprès de la FIG de
Lotan.
- Du calme! Du calme Messieurs je vous prie! implore le commandant de la station-base. Ne
peignons pas le diable sur la muraille. Il faut laisser la flotte de garde à Lotan; c'est
notre dernier rempart contre une invasion finale. D'ailleurs, cinq escadrilles ont été
déroutées de leur mission pour nous prêter main forte. Nous devons tenir le siège et
damer le pion à l'envahisseur!
- Et avec quoi! fulmine à nouveau l'imposant Yves De Blois. Tous nos hommes sont morts...
il n'y a plus de vaisseaux! Cette coquille de noix ne nous protégera pas indéfiniment.
Nous en sommes réduits à lancer nos Vipers de la galcop en sachant pertinemment qu'ils
n'ont aucune chance de survivre; nos soldats sont au bout du rouleau et des défections
sont à prévoir dans les plus brefs délais. Nos hommes sont psychologiquement inaptes au
service. Les accidents d'appontement et de réarmement ont triplé en l'espace de
septante-deux jours d'engagement non-stop... le lieutenant-colonel Garraux du destroyer
Brayziil ne peut que corroborer mes allégations,; nous sommes dans une impasse totale...
Les yeux injectés de sang, le corps tendu sous l'émotion, le jeune officier du Terrea
parcours l'assemblée du regard. Le commandant Garraux se lève à son tour et prend la
parole tout en brandissant le poing à l'encontre du colonel De Rongemault.
- Je ne vous reconnais plus Pietre! Nous avons pourtant fait campagne plus d'une fois
ensemble et j'ai toujours admiré votre courage et esprit de décision qui plaisaient tant
à nos troupes. Vous êtes assis, là, devant moi... mais vous n'êtes que l'ombre de
vous-même! Pleutre qui se cache derrière la bienveillance de Lotan; lâche qui n'ose
plus décider entre baisser son pantalon ou pleurer dans les jupes de sa mère... Vous
avez perdu toute crédibilité et notions concrètes de la situation dans laquelle nous
surnageons.
Sous ce flot d'invectives, le visage blême du patron d'Antinéat se fige dans un rictus
de douleur, le corps agité de spasmes, la bouche ouverte mais vide de son; paralysé par
l'émotion, encore sous le choc du langage tenu à son encontre, il s'engonce dans son
uniforme, s'enlisant dans son siège; laissant une douce folie l'envahir.
Brusquement, toutes les lumières virent au rouge...
C'est l'alarme générale dans l'astrobase. Des explosions se font percevoir et des
échanges de pistolasers résonnent dans les coursives. Un homme émerge de l'une d'entre
elles et court dans ma direction.
- Michel, me hurle Bob en essayant de couvrir le tumulte, les gens de la Ligue ont réussi
à pénétrer au coeur de la station.
- Comment y sont-ils parvenus?
- Très simplement. Il y a eu une mutinerie à bord du Kartoon; l'équipage a exécuté
tous les officiers supérieurs. Prétextant des ennuis techniques, ils ont apponté et
donné l'assaut... un vrai carnage. De plus, la baie du sas principal est la proie des
flammes: ces traîtres ne lésinent pas sur les moyens d'engagement, ils ont saboté le
générateur du champ de force extérieur et deux unités de combat orkasiennes ont
investi la place...
- Frayons-nous un chemin hors de l'hémicycle, nous aviserons par la suite...
Une violente déflagration secoue notre niveau. Le chuintement caractéristique d'un
début de dépressurisation se fait ouïr... typique d'une grenade à vide!
- Une gévé... A terre!
Mon conditionnement militaire me sauve la vie ainsi que celle de mes acolytes.
L'aspiration de la grenade balaye toute la passerelle qui s'effondre en partie. Plusieurs
Orkasiens investissent les lieux... mon paralux entre aussitôt en action. Les jets
inframauves des troupes d'intervention de la Fédération percent les rangs de
l'adversaire... L'utilisation de ce type d'armement lourd ne se fait normalement qu'en
extérieur... Preuve en est de la panique régnant ici. Je me fraye tant bien que mal un
chemin parmi les décombres et me place à couvert. L'implosion m'a séparé de mes amis;
par vidéocom, je contacte Charles et Bob et prends note qu'ils sont parvenus à la
galerie inférieure. Une fumée âcre stagne dans le couloir, empêchant tous nouveaux
tirs. Arme au poing, je me hisse péniblement, me faufile jusqu'à un communicateur et
m'installe promptement dans un ascogravit.
Un corps gît sur le plancher arrière... c'est un humanoïde. Il porte l'uniforme
elbisionite à l'emblème barré du Triton et du Djaj... encore un renégat! Ses membres
préhensiles supérieurs serrent encore un fusil thermique dont la charge est encore
pleine. Il n'a pas eu l'occasion de s'en servir avant de recevoir un éclat de gévé dans
les entrailles... Celles-ci sont répandues sur le tableau de bord et me donnent la
nausée. Le liquide verdâtre s'est écoulé sur les commandes de l'engin et j'ai toutes
les peines du monde à faire démarrer la machine. Le contacteur est englué et
l'initialisation du code par synthétiseur vocal est hors-circuit. L'atmosphère devient
irrespirable et la chaleur insoutenable.
Ouf! Voilà! La turbine ronronne doucettement, alimentant l'ordinateur central. J'ouvre la
porte latérale arrière et balance par dessus bord le cadavre, non sans m'être accaparé
au passage le fusil thermique. Je pousse à fond sur l'échelle du tachymètre et
m'élance à toute vitesse; me faufilant parmi les débris éparses jonchant le sol. Les
liaisons internes par télécom sont interrompues... mon écran ne me renvoie que des
grésillements. Pas moyen de connaître la situation actuelle sur la station-base. Je
tente de contacter mes amis à l'aide de mon vidéocom personnel.
- Bob, Charles de Michel répondez!
- crrr... te reçois Michel... crrr...
- Deux sur cinq! Y a trop de parasites... La base ne résistera pas longtemps sans que
l'ordre d'évacuation ne soit lancé. Il nous faut donc poursuivre notre chemin sans
regarder derrière nous... c'est notre unique chance!
- crrr... quelle solutiocrrr...
- Embarquement immédiat. Rendez-vous à cinq minutes-lumière dans le vecteur Gamma...
translation directe avec tous les risques que cela comporte. Le premier attend l'autre.
As-tu reçu mon message Bob?
- Ok... crrr... suicide pur... t'attendons au navire... rrrminé.
Dans le fracas assourdissant des escarmouches opposant
les troupes régulières et rebelles, je me glisse jusqu'au prochain niveau, me
rapprochant du point d'encrage de mon astronef. A plusieurs reprises, j'essuie des tirs de
barrage sans incidence aucune sur ma route. Soudainement, un jet de laser fait voler en
éclat mon pare-brise, me vrillant les tympans... Je pars en dérapage. Ma vue se trouble
et je sens l'ascogravit grimper sur la rambarde. Sous l'effet conjugué de la vitesse, mon
véhicule se cabre et se retourne sur le côté. Je donne violemment de la tête contre le
tableau de bord et le goût âpre de mon sang rempli ma bouche. Des gerbes d'étincelles
giclent dans le cockpit et y boutent le feu. Pendant ma longue glissade, la carlingue de
l'habitacle s'est chauffée au rouge . Malgré ma combinaison ignifuge, je prends
conscience de la douleur causée par la morsure du feu sur mon bras gauche. Un choc brutal
stoppe net ma course. Plutôt mal que bien je tente de m'extirper de la carcasse en
flamme... la turbine s'est emballée et je commence à suffoquer car la chaleur devient
insoutenable. La fumée opacit ma vision des lieux. Titubant, je m'échappe de ce piège
en ferraille... Je suis brutalement plaqué au sol par le souffle de l'explosion. Des
débris métalliques volent dans toutes les directions. Dans la chair tuméfiée de mon
bras, un éclat vient s'y loger... J'ai dépassé le stade de la souffrance. Je rampe
jusqu'à un abri, traînant avec moi le fusil thermique. Là, je me place un garrot afin
d'empêcher momentanément l'épanchement de mon liquide sanguin.
Le buzzer de mon vidéocom insiste et je l'extrait de son étui.
- Je vous écoute les gars, balbutiais-je.
- Michel, la situation se fait critique... Hé! Que t'est-il arrivé, tu es ensanglanté.!
- Je suis tombé dans une embuscade alors que j'arrivais vers vous. Pour l'instant ça va.
J'aurais besoin que tu te places en couverture lorsque je vais réintégrer le Milkyway.
- C'est en ordre Michel mais grouille-toi car de nombreux groupes disparates nous ont
donné l'assaut. J'ai dû les repousser avec les canons de l'Eridan... un sacré carton.
Je t'attends. Contacte-moi dès que tu es dans la baie du sas! Terminé.
Je range mon appareil de transmission et tire de ma trousse médicale d'urgence un
cautérisateur... je me sens affaibli. J'avale hâtivement une pastille de vitamax pour me
donner un surplus d'énergie et me fais une rapide injection d'antalgésique. Le Milkyway
n'est qu'à deux pas mais le terrain qu'il me reste à parcourir est à découvert...
parfaite cible pour un franc-tireur dissimulé dans les environs immédiats. L'effet des
médicaments se fait ressentir. Les accus de mon lasers sont morts; Dieu merci, j'ai mon
phaser, arme personnelle de tout agent opérant de la FIG et dont il ne se sépare jamais.
Je le dégaine et règle au maximum la puissance de mon faisceau. Je dégoupille une
grenade aveuglante et la balance dans le couloir ; je baisse la visière de mon spatiandre
et bondis de mon abris. Je fonce droit devant moi et balaye le passage à coup de phaser.
Quelques tirs sont dirigés sur ma personne et, par chance, ils manquent leur but. Le
trajet semble durer une éternité. Je savoure enfin contre mon dos la froideur du métal
de la trappe d'accès à la baie où sont logés les astronefs. L'air ambiant vibre dans
le surrégime des photopropulseurs. L'atmosphère se fait lourde, le chuintement des
gévés se rapproche, dénonçant le mouvement pressant des troupes rebelles au travers de
la station-base.
- Milkyway ici le major Lorrain, baissez la rampe et activez un missile ARSTRON! Je vous
rejoins d'ici quelques minutes...
- Bien reçu Major! Malheureusement, Antinéat contrôle nous refuse l'autorisation de
nous éjecter...
- Je ne veux pas le savoir... nous nous en passerons! Pour le moment, contactez l'Eridan
et dites-leur de se préparer... Programmez sur le nanordinateur une procédure de
translation d'urgence. Je vous rappelle au plus vite.
- Compris! J'ai la quittance du capitaine Fallow, l'Eridan est paré, mais je vous informe
que le départ lui est également refusé.
- J'aviserais à mon retour à bord.
Je romps la transmission avec mon second. La situation
devient critique car les combats font rages non loin de ma position et je ne saurais tenir
un siège. Fusil thermique à la hanche, je me glisse dans l'embrasure de la trappe et
jette un coup d'oeil circulaire afin d'apprécier la situation. Le jet brûlant des
photopropulseurs a nettoyé la place, réduisant en cendres une bonne partie du matériel
entreposé dans la salle. Sur ma droite, un groupe de trois soldats elbisionistes font feu
sur la poupe à l'aide d'un lance-inframauve. Sur la coque ventrale, des traces d'impacts
sont visibles. Apparemment aucun système vital n'a été touché. Je vais être dans
l'obligation d'intervenir car ces gars là manient leur armement de manière gauche; si
par malheur l'un d'eux atteint un bloc énergétique de propulsion, le navire se
volatilisera de même qu'une partie de la base. A cette distance, je n'ai aucune chance de
les éliminer avec mon arme de poing, seul le fusil a la précision requise. Impossible de
me rapprocher d'eux, je serais emporté par le souffle des réacteurs. Chaque coup tirés
devra être mortel pour mon adversaire... trois cibles, trois coups au but... comme à
l'entraînement de combat à l'Académie! Faisant abstraction de mon entourage, je me
concentre sur ma position, calant correctement ma crosse dans le creux de mon épaule;
j'aligne le servant du lance-inframauve. Sur l'écran de mon viseur la mire est
parfaite... Feu! Le casque du militaire se vaporise, le corps sans vie s'affaisse dans une
mare de sang. Le deuxième n'a pas le temps de réagir qu'il s'écroule à la renverse.
Quant au dernier, il tente de s'échapper par un rapide roulé-boulé tout en dégainant
son pistolaser. Un jet de lumière cohérente surgi de la rampe du Milkyway le foudroie,
me sauvant la mise.
- Dépêchez-vous Major, me hurle la silhouette en gesticulant.
- Merci pour votre coup de main Lieutenant. J'arrive!
Suant eau et sang, je m'engouffre dans le ventre de mon vaisseau... enfin chez moi. Je
m'arrête le temps de reprendre ma respiration.
- Bienvenue à bord! Nous avons craint pour vous... Les capitaines Fallow et Tisons n'ont
eu aucun problème, le niveau par lequel ils ont transité étaient encore aux mains des
Fédérés.
- Tant mieux ! Il nous reste du pain sur la planche, déclarai-je en prenant la direction
du poste de navigation. Etes-vous prêt comme je vous l'avais ordonné précédemment?
- Affirmatif! Mais le temps presse...
- Alors allons-y!
Débouchant dans la salle de pilotage, je découvre mes hommes harassés par la tension.
Les ordres fusent de part et d'autre. Les circuits externes des vidéocoms nous font
ressentir le chaos dans lequel Antinéat est plongée.
- Contrôle principal ici Milkyway A.52818.A.37, demandons accès à la passerelle
externe, priorité ALPHA-UNO.
- Demande refusée, interdiction formelle de décoller, toute infraction constatée sera
passible de la cour martiale.
- Désolé... Charles, aboyais-je dans le microtel, lance ton missile sur le sas... le
mien suivra, je vous couvre!
Dans un geyser de feu les engins téléguidés quittent leurs berceaux respectifs et,
atteignant leur but, créent une large brèche dans l'armature de la station donnant sur
le vide interstellaire.
- Ejecte! Ejecte!
Dans une gerbe de métal en fusion, l'Eridan s'élance dans l'espace sous le feu nourri
des appareils ennemis. Je le talonne, prenant de plein fouet le jet de ses
photopropulseurs. Les boucliers d'énergie couinent sous l'effort. Le champ de mon écran
de tir est saturé d'objectifs potentiels... ça va être dure.
- Faut translater Michel nom de Dieu... je tiens plus! Ma coquille de noix va péter, mes
écrans sont à bout de course...
- Je te donne rendez-vous à cinq minutes-lumière, hurlais-je dans le vacarme des
témoins de surtension de la console de NAVCOM... Salut!
Le temps s'est distendu. Les secondes durent une
éternité pendant laquelle la tension nerveuse est à son apogée. Seul le crépitement
des courts-circuits dû au surcroît d'énergie trouble le silence de la passerelle. Le
voile gris de l'hyperespace se déchire sur la toile pailletée de l'Univers... enfin la
tranquillité! Je m'affale sur mon siège, respirant un bon coup. Cette partie est
gagnée... jusqu'à la suivante. Mon bras ne m'inquiète pas outre mesure mais il faut que
je songe à descendre à l'infirmerie me badigeonner de cicatrisant et mettre un bandage
de soutien. Le visage du commandant de l'Eridan, déformé par la fatigue, apparaît sur
mon écran personnel.
- Pff... je respire enfin. J'ai rarement vécu des situations aussi désespérées. Merci
Michel!
- Merci à tous Charles... C'est grâce à la collaboration de nos équipages respectifs
que nous sommes en vie. Je n'arrive pas à croire que l'armée soit aussi pourrie... Je
vais établir un rapport à l'intention du vieux Pop's dès que possible. La situation est
critique...
- Ouais, effectivement. J'ai pu observer un bon nombre "d'irréguliers" arborant
fièrement le brassard barré du Triton. Ce qui m'inquiète le plus c'est de savoir
jusqu'où le ver s'est glissé dans le fruit et à quel niveau notre hiérarchie c'est
mouillée dans cette voie.
- Tu as parfaitement raison mais sache une chose, nous pouvons et je dirais même devons
faire confiance à l'Etat-Major de la FIG. Nous sommes l'élite de la profession et nous
pouvons nous targuer de notre loyalisme envers la FedGal. La trahison n'a aucune prise sur
nos services. Bon! Trêve de bavardages, la conjoncture actuelle n'est pas de tout repos.
Je te propose d'organiser les quarts de surveillance. Tu prendras la première tranche...
je suis vanné!
- Pas de problème Michel! Va te soigner et prendre du repos; je ne te dérangerais qu'en
cas de pépin.
- Merci! Je vais rédiger la note pour Lotan et l'envoyer en cryptofréquence. A
tout-à-l'heure. Terminé!
Ouf! Me voilà seul... Aïe! Ma douleur s'est ravivée... Je descends dans le bloc
médicalisé. Là, je m'injecte une solution d'antalgésique et de vitamax pendant que mon
bras trempe dans une solution coagulante. Je passe rapidement mon anatomie au scanner...
rien de spécial! Tant mieux! Je bande rapidement le tout et quitte le DIR.DOC. J'emprunte
l'échelle centrale et débouche dans le mess où j'en profite pour m'attabler et boire un
coup. Tel un torrent de feu, le liquide alcoolisé se répand dans ma bouche et se
déverse dans mes tripes... pff! Quel soulagement de s'en être sorti indemne. J'ai connu
des situations limites lors de précédentes missions, mais aussi épuisante que cette
dernière... pas souvent. J'établirais le rapport pour Lotan un peu plus tard; je suis
trop crevé pour réfléchir correctement. Pour l'instant, le Milkyway est sous la
houlette du lieutenant Verrat et je n'ai pas de souci à me faire. Holà! Ma piqûre fait
effet, j'ai la tête qui tourne et le sol de la cabine semble venir à ma rencontre. D'une
démarche peu assurée, je traverse les quelques pas menant à ma couchette et m'effondre
dessus.
Web designer Michel LORRAIN pour GalCop
Copyright © 1992-2005 [Galcop].
Tous droits réservés. All rights reserved.