CHAPITRE 3

 

Telle une petite planète suspendue dans
le vide incommensurable de l'Univers,
sans aucune étoile pour l'éclairer;
Telle une vigie immobile dans la noirceur
inquiétante de l'espace infini;
La station-base est le reflet même de la puissance
de la Fédération Galactique dans les Marches.

 

Bjorn Zenders

"La vie dans les îles de l'espace"

 

 

ANTINEAT

 

Un déluge de feu accueille le Milkyway et l'Eridan lors de leur résurgence dans le continuum normal. L'univers tout entier semble s'être embrasé... Des carcasses éventrées flottent sans vie, tandis que le flamboiement des déflecteurs reflète la densité du conflit. Les astronefs extragalactiques de la Ligue de la Subversion déversent un torrent de feu dans les rangs adverses, créant des pertes énormes; les unités d'assaut de la Fédération Galactique sont décimées.
Un sifflement suraigu m'avise que je viens d'être "accroché missile" par un navire ennemi. Le nanordinateur de bord commute le système de défense sur l'option de combat tout en enclenchant les contre-mesures électroniques, brouillant de la sorte la télédétection des engins lancés à notre rencontre. Je désengage le pilote automatique et prends les commandes.
- Il nous faut sortir de la zone rouge au plus vite, m'écriais-je, pousse à fond tes déflecteurs de poupe, branche ta console de navigation sur la mienne et deviens mon ombre! Je passe devant.
- Bien reçu Michel, tu peux y aller, annonce Bob Fallow depuis l'Eridan.
De la main gauche, je déverrouille les cliquets de sécurité des missiles Arstron tandis que de la droite je positionne le curseur du plot adverse sur la grille de mon scanner: ACQUISITION D'OBJECTIF EN COURS... Le message flashe un bref instant, suivi de: CIBLE INITIALISEE, rageusement je presse le bouton de mise à feu: LANCEMENT. J'observe l'approche inexorable du chasseur sur sa proie... Les deux points se chevauchent une fraction de seconde et disparaissent à tout jamais.

Le fait d'être accouplé avec l'Eridan m'handicape; restreignant mon champ de manoeuvre, diminuant ma maniabilité. Mais en revanche, offrant une capacité d'absorption d'énergie plus appréciable. Les déflecteurs arrières s'illuminent et le vaisseau vibre de toutes parts sous les feux croisés des Dragonniens. Je braque au nadir et remonte en chandelle, me plaçant dans le sillage de mon adversaire; une demi-douzaine de salves de plein fouet sont nécessaires pour le volatiliser, l'envoyant rejoindre ses camarades de combat dans le grand cimetière cosmique. Nous avançons précautionneusement au travers du champ de bataille tout en nous éloignant de son épicentre.
- Bob, on se désaccouple quelques minutes... je te restitue les commandes pendant l'identification. Ah! Je viens d'accrocher la balise principale sur mon écran, mais avec ces satanés Orkasiens dans le secteur, pas possible de faire de micro-sauts.
- Michel! J'ai cinq nouveaux échos sur mon scanner et qui arrivent sur une trajectoire de collision...
- Ecarte-toi, il doit s'agir de Vipers de la galcop qui partent en renfort.
Un son strident se met soudain à résonner dans le poste de pilotage tandis qu'un voyant vert pulse rapidement.
- Nous pénétrons dans le champ de sécurité de la base, m'informe le lieutenant Verrat, je baisse les écrans avant et désactive les missiles.
- Très bien, acquiesçais-je, maintenez les déflecteurs arrières au cas où... on ne sait jamais.
La station orbitale apparaît peu après sur les grilles des scanners.
- Contrôle Antinéat de Milkyway id: ALPHA.52818.ALPHA.37, comment me recevez-vous?
- Milkyway bonjour, je vous reçois quatre, identification?
- Major Lorrain en provenance de Lotan, priorité ALPHA-UNO, je viens de traverser la balise Sierra.
- Couplage?
- Affirmatif, avec le cosmonef Eridan id: ALPHA.22458.ALPHA.61, capitaine Charles Tisons. Donnée prioritaire similaire; destination non communicable.
- A.52818.A.37 bien reçu, autorisation d'activation du traceur, transpondeur 3811.
- Contrôle Antinéat de Milkyway 3811, je passe la balise Charly et la piste est en vue.
- Connectez-vous dans le secteur 22... système de défense sur passif. Suivez le vecteur 4,3,7 jusqu'au vecteur 4,4,zéro. Ensuite, vous apponterez. Terminé.
- Milkyway 3811 en approche, merci.
Lentement, je dirige les deux croiseurs de guerre vers leur port d'attache. Traversant les diverses balises de la station orbitale, je passe en automatique jusqu'au sas d'accès.
- Michel? me communique Bob depuis son navire; j'ai mon centraliseur focal qui vient de flancher... je m'en occupe de suite et vous rejoindrais dès que possible.
- C'est d'accord! Nous nous rendons au rapport d'escadrille.
D'un geste sec, je coupe le circuit du vidéocom. Accompagné de Charles, nous nous introduisons dans l'ascogravit qui nous dirige vers la salle de conférence.

Sur l'estrade centrale, le colonel Pietre De Rongemault a terminé son exposé. C'est au tour des différents commandants de vaisseau de dicter leurs rapports.
- Mon Colonel... annonçai-je en nous mettant au garde-à-vous, major Michel Lorrain du croiseur de guerre Milkyway, capitaine Tisons du croiseur Eridan.
- Repos Messieurs. Bienvenue à bord et prenez place, lance l'intéressé puis, se retournant vers son auditoire - Suivant!
- De mon côté, commente le premier-lieutenant Yves De Blois de l'intercepteur Terrea, j'ai vu tour à tour exploser les navires de mon escadrille... puis ce fut la flotte entière à l'exception du Kartoon, de l'Astrad et du Terrea. Seules les épaves de mes vaisseaux flottent désormais dans l'éther.
- Je tiens à préciser, reprend de plus belle un autre officier, que notre défaite est due à notre incapacité technique face à une technologie plus évoluée encore... Leurs rayons à base de quartzdium sont effrayants, qui plus est les Orkasiens n'ont aucune pitié et ne font jamais de prisonniers.
- Je le sais pertinemment Messieurs, soupire le colonel De Rongemault assommé par les événements, mais nous ne pouvons rien y faire...
- Comment ça "nous ne pouvons rien y faire"... Il y a déjà cent septante-cinq ans que nous combattons pour la Liberté. La Fédération Galactique s'émiette de part et d'autre... la Ligue de la Subversion gagne du terrain. Orkasis est un péril mortel! Il faut détruire l'oeuf dans son nid.
L'officier marque un temps d'arrêt et poursuit son exposé dans une atmosphère lourde et tendue.
- Sur les sept flottes dont nous disposons, il n'en reste plus que trois... Nous sommes les seuls rescapés car nous avons la possibilité de visionner pendant nos sauts dans l'hyperespace. Et durant ces translations, nous arrivons à annihiler quelques transporteurs ennemis... mais ceci avec prudence car il ne faut pas oublier, Messieurs, les charges de quartzdium! Ces dernières, lorsqu'elles entrent en fission, se transforment en micro-novas, d'où le danger d'être également vaporisé. Je soumets donc à l'assemblée ci-présente une requête pour l'obtention de renfort auprès de la FIG de Lotan.
- Du calme! Du calme Messieurs je vous prie! implore le commandant de la station-base. Ne peignons pas le diable sur la muraille. Il faut laisser la flotte de garde à Lotan; c'est notre dernier rempart contre une invasion finale. D'ailleurs, cinq escadrilles ont été déroutées de leur mission pour nous prêter main forte. Nous devons tenir le siège et damer le pion à l'envahisseur!
- Et avec quoi! fulmine à nouveau l'imposant Yves De Blois. Tous nos hommes sont morts... il n'y a plus de vaisseaux! Cette coquille de noix ne nous protégera pas indéfiniment. Nous en sommes réduits à lancer nos Vipers de la galcop en sachant pertinemment qu'ils n'ont aucune chance de survivre; nos soldats sont au bout du rouleau et des défections sont à prévoir dans les plus brefs délais. Nos hommes sont psychologiquement inaptes au service. Les accidents d'appontement et de réarmement ont triplé en l'espace de septante-deux jours d'engagement non-stop... le lieutenant-colonel Garraux du destroyer Brayziil ne peut que corroborer mes allégations,; nous sommes dans une impasse totale...
Les yeux injectés de sang, le corps tendu sous l'émotion, le jeune officier du Terrea parcours l'assemblée du regard. Le commandant Garraux se lève à son tour et prend la parole tout en brandissant le poing à l'encontre du colonel De Rongemault.
- Je ne vous reconnais plus Pietre! Nous avons pourtant fait campagne plus d'une fois ensemble et j'ai toujours admiré votre courage et esprit de décision qui plaisaient tant à nos troupes. Vous êtes assis, là, devant moi... mais vous n'êtes que l'ombre de vous-même! Pleutre qui se cache derrière la bienveillance de Lotan; lâche qui n'ose plus décider entre baisser son pantalon ou pleurer dans les jupes de sa mère... Vous avez perdu toute crédibilité et notions concrètes de la situation dans laquelle nous surnageons.
Sous ce flot d'invectives, le visage blême du patron d'Antinéat se fige dans un rictus de douleur, le corps agité de spasmes, la bouche ouverte mais vide de son; paralysé par l'émotion, encore sous le choc du langage tenu à son encontre, il s'engonce dans son uniforme, s'enlisant dans son siège; laissant une douce folie l'envahir.

Brusquement, toutes les lumières virent au rouge... C'est l'alarme générale dans l'astrobase. Des explosions se font percevoir et des échanges de pistolasers résonnent dans les coursives. Un homme émerge de l'une d'entre elles et court dans ma direction.
- Michel, me hurle Bob en essayant de couvrir le tumulte, les gens de la Ligue ont réussi à pénétrer au coeur de la station.
- Comment y sont-ils parvenus?
- Très simplement. Il y a eu une mutinerie à bord du Kartoon; l'équipage a exécuté tous les officiers supérieurs. Prétextant des ennuis techniques, ils ont apponté et donné l'assaut... un vrai carnage. De plus, la baie du sas principal est la proie des flammes: ces traîtres ne lésinent pas sur les moyens d'engagement, ils ont saboté le générateur du champ de force extérieur et deux unités de combat orkasiennes ont investi la place...
- Frayons-nous un chemin hors de l'hémicycle, nous aviserons par la suite...
Une violente déflagration secoue notre niveau. Le chuintement caractéristique d'un début de dépressurisation se fait ouïr... typique d'une grenade à vide!
- Une gévé... A terre!
Mon conditionnement militaire me sauve la vie ainsi que celle de mes acolytes. L'aspiration de la grenade balaye toute la passerelle qui s'effondre en partie. Plusieurs Orkasiens investissent les lieux... mon paralux entre aussitôt en action. Les jets inframauves des troupes d'intervention de la Fédération percent les rangs de l'adversaire... L'utilisation de ce type d'armement lourd ne se fait normalement qu'en extérieur... Preuve en est de la panique régnant ici. Je me fraye tant bien que mal un chemin parmi les décombres et me place à couvert. L'implosion m'a séparé de mes amis; par vidéocom, je contacte Charles et Bob et prends note qu'ils sont parvenus à la galerie inférieure. Une fumée âcre stagne dans le couloir, empêchant tous nouveaux tirs. Arme au poing, je me hisse péniblement, me faufile jusqu'à un communicateur et m'installe promptement dans un ascogravit.
Un corps gît sur le plancher arrière... c'est un humanoïde. Il porte l'uniforme elbisionite à l'emblème barré du Triton et du Djaj... encore un renégat! Ses membres préhensiles supérieurs serrent encore un fusil thermique dont la charge est encore pleine. Il n'a pas eu l'occasion de s'en servir avant de recevoir un éclat de gévé dans les entrailles... Celles-ci sont répandues sur le tableau de bord et me donnent la nausée. Le liquide verdâtre s'est écoulé sur les commandes de l'engin et j'ai toutes les peines du monde à faire démarrer la machine. Le contacteur est englué et l'initialisation du code par synthétiseur vocal est hors-circuit. L'atmosphère devient irrespirable et la chaleur insoutenable.
Ouf! Voilà! La turbine ronronne doucettement, alimentant l'ordinateur central. J'ouvre la porte latérale arrière et balance par dessus bord le cadavre, non sans m'être accaparé au passage le fusil thermique. Je pousse à fond sur l'échelle du tachymètre et m'élance à toute vitesse; me faufilant parmi les débris éparses jonchant le sol. Les liaisons internes par télécom sont interrompues... mon écran ne me renvoie que des grésillements. Pas moyen de connaître la situation actuelle sur la station-base. Je tente de contacter mes amis à l'aide de mon vidéocom personnel.
- Bob, Charles de Michel répondez!
- crrr... te reçois Michel... crrr...
- Deux sur cinq! Y a trop de parasites... La base ne résistera pas longtemps sans que l'ordre d'évacuation ne soit lancé. Il nous faut donc poursuivre notre chemin sans regarder derrière nous... c'est notre unique chance!
- crrr... quelle solutiocrrr...
- Embarquement immédiat. Rendez-vous à cinq minutes-lumière dans le vecteur Gamma... translation directe avec tous les risques que cela comporte. Le premier attend l'autre. As-tu reçu mon message Bob?
- Ok... crrr... suicide pur... t'attendons au navire... rrrminé.

Dans le fracas assourdissant des escarmouches opposant les troupes régulières et rebelles, je me glisse jusqu'au prochain niveau, me rapprochant du point d'encrage de mon astronef. A plusieurs reprises, j'essuie des tirs de barrage sans incidence aucune sur ma route. Soudainement, un jet de laser fait voler en éclat mon pare-brise, me vrillant les tympans... Je pars en dérapage. Ma vue se trouble et je sens l'ascogravit grimper sur la rambarde. Sous l'effet conjugué de la vitesse, mon véhicule se cabre et se retourne sur le côté. Je donne violemment de la tête contre le tableau de bord et le goût âpre de mon sang rempli ma bouche. Des gerbes d'étincelles giclent dans le cockpit et y boutent le feu. Pendant ma longue glissade, la carlingue de l'habitacle s'est chauffée au rouge . Malgré ma combinaison ignifuge, je prends conscience de la douleur causée par la morsure du feu sur mon bras gauche. Un choc brutal stoppe net ma course. Plutôt mal que bien je tente de m'extirper de la carcasse en flamme... la turbine s'est emballée et je commence à suffoquer car la chaleur devient insoutenable. La fumée opacit ma vision des lieux. Titubant, je m'échappe de ce piège en ferraille... Je suis brutalement plaqué au sol par le souffle de l'explosion. Des débris métalliques volent dans toutes les directions. Dans la chair tuméfiée de mon bras, un éclat vient s'y loger... J'ai dépassé le stade de la souffrance. Je rampe jusqu'à un abri, traînant avec moi le fusil thermique. Là, je me place un garrot afin d'empêcher momentanément l'épanchement de mon liquide sanguin.
Le buzzer de mon vidéocom insiste et je l'extrait de son étui.
- Je vous écoute les gars, balbutiais-je.
- Michel, la situation se fait critique... Hé! Que t'est-il arrivé, tu es ensanglanté.!
- Je suis tombé dans une embuscade alors que j'arrivais vers vous. Pour l'instant ça va. J'aurais besoin que tu te places en couverture lorsque je vais réintégrer le Milkyway.
- C'est en ordre Michel mais grouille-toi car de nombreux groupes disparates nous ont donné l'assaut. J'ai dû les repousser avec les canons de l'Eridan... un sacré carton. Je t'attends. Contacte-moi dès que tu es dans la baie du sas! Terminé.
Je range mon appareil de transmission et tire de ma trousse médicale d'urgence un cautérisateur... je me sens affaibli. J'avale hâtivement une pastille de vitamax pour me donner un surplus d'énergie et me fais une rapide injection d'antalgésique. Le Milkyway n'est qu'à deux pas mais le terrain qu'il me reste à parcourir est à découvert... parfaite cible pour un franc-tireur dissimulé dans les environs immédiats. L'effet des médicaments se fait ressentir. Les accus de mon lasers sont morts; Dieu merci, j'ai mon phaser, arme personnelle de tout agent opérant de la FIG et dont il ne se sépare jamais. Je le dégaine et règle au maximum la puissance de mon faisceau. Je dégoupille une grenade aveuglante et la balance dans le couloir ; je baisse la visière de mon spatiandre et bondis de mon abris. Je fonce droit devant moi et balaye le passage à coup de phaser. Quelques tirs sont dirigés sur ma personne et, par chance, ils manquent leur but. Le trajet semble durer une éternité. Je savoure enfin contre mon dos la froideur du métal de la trappe d'accès à la baie où sont logés les astronefs. L'air ambiant vibre dans le surrégime des photopropulseurs. L'atmosphère se fait lourde, le chuintement des gévés se rapproche, dénonçant le mouvement pressant des troupes rebelles au travers de la station-base.
- Milkyway ici le major Lorrain, baissez la rampe et activez un missile ARSTRON! Je vous rejoins d'ici quelques minutes...
- Bien reçu Major! Malheureusement, Antinéat contrôle nous refuse l'autorisation de nous éjecter...
- Je ne veux pas le savoir... nous nous en passerons! Pour le moment, contactez l'Eridan et dites-leur de se préparer... Programmez sur le nanordinateur une procédure de translation d'urgence. Je vous rappelle au plus vite.
- Compris! J'ai la quittance du capitaine Fallow, l'Eridan est paré, mais je vous informe que le départ lui est également refusé.
- J'aviserais à mon retour à bord.

Je romps la transmission avec mon second. La situation devient critique car les combats font rages non loin de ma position et je ne saurais tenir un siège. Fusil thermique à la hanche, je me glisse dans l'embrasure de la trappe et jette un coup d'oeil circulaire afin d'apprécier la situation. Le jet brûlant des photopropulseurs a nettoyé la place, réduisant en cendres une bonne partie du matériel entreposé dans la salle. Sur ma droite, un groupe de trois soldats elbisionistes font feu sur la poupe à l'aide d'un lance-inframauve. Sur la coque ventrale, des traces d'impacts sont visibles. Apparemment aucun système vital n'a été touché. Je vais être dans l'obligation d'intervenir car ces gars là manient leur armement de manière gauche; si par malheur l'un d'eux atteint un bloc énergétique de propulsion, le navire se volatilisera de même qu'une partie de la base. A cette distance, je n'ai aucune chance de les éliminer avec mon arme de poing, seul le fusil a la précision requise. Impossible de me rapprocher d'eux, je serais emporté par le souffle des réacteurs. Chaque coup tirés devra être mortel pour mon adversaire... trois cibles, trois coups au but... comme à l'entraînement de combat à l'Académie! Faisant abstraction de mon entourage, je me concentre sur ma position, calant correctement ma crosse dans le creux de mon épaule; j'aligne le servant du lance-inframauve. Sur l'écran de mon viseur la mire est parfaite... Feu! Le casque du militaire se vaporise, le corps sans vie s'affaisse dans une mare de sang. Le deuxième n'a pas le temps de réagir qu'il s'écroule à la renverse. Quant au dernier, il tente de s'échapper par un rapide roulé-boulé tout en dégainant son pistolaser. Un jet de lumière cohérente surgi de la rampe du Milkyway le foudroie, me sauvant la mise.
- Dépêchez-vous Major, me hurle la silhouette en gesticulant.
- Merci pour votre coup de main Lieutenant. J'arrive!
Suant eau et sang, je m'engouffre dans le ventre de mon vaisseau... enfin chez moi. Je m'arrête le temps de reprendre ma respiration.
- Bienvenue à bord! Nous avons craint pour vous... Les capitaines Fallow et Tisons n'ont eu aucun problème, le niveau par lequel ils ont transité étaient encore aux mains des Fédérés.
- Tant mieux ! Il nous reste du pain sur la planche, déclarai-je en prenant la direction du poste de navigation. Etes-vous prêt comme je vous l'avais ordonné précédemment?
- Affirmatif! Mais le temps presse...
- Alors allons-y!
Débouchant dans la salle de pilotage, je découvre mes hommes harassés par la tension. Les ordres fusent de part et d'autre. Les circuits externes des vidéocoms nous font ressentir le chaos dans lequel Antinéat est plongée.
- Contrôle principal ici Milkyway A.52818.A.37, demandons accès à la passerelle externe, priorité ALPHA-UNO.
- Demande refusée, interdiction formelle de décoller, toute infraction constatée sera passible de la cour martiale.
- Désolé... Charles, aboyais-je dans le microtel, lance ton missile sur le sas... le mien suivra, je vous couvre!
Dans un geyser de feu les engins téléguidés quittent leurs berceaux respectifs et, atteignant leur but, créent une large brèche dans l'armature de la station donnant sur le vide interstellaire.
- Ejecte! Ejecte!
Dans une gerbe de métal en fusion, l'Eridan s'élance dans l'espace sous le feu nourri des appareils ennemis. Je le talonne, prenant de plein fouet le jet de ses photopropulseurs. Les boucliers d'énergie couinent sous l'effort. Le champ de mon écran de tir est saturé d'objectifs potentiels... ça va être dure.
- Faut translater Michel nom de Dieu... je tiens plus! Ma coquille de noix va péter, mes écrans sont à bout de course...
- Je te donne rendez-vous à cinq minutes-lumière, hurlais-je dans le vacarme des témoins de surtension de la console de NAVCOM... Salut!

Le temps s'est distendu. Les secondes durent une éternité pendant laquelle la tension nerveuse est à son apogée. Seul le crépitement des courts-circuits dû au surcroît d'énergie trouble le silence de la passerelle. Le voile gris de l'hyperespace se déchire sur la toile pailletée de l'Univers... enfin la tranquillité! Je m'affale sur mon siège, respirant un bon coup. Cette partie est gagnée... jusqu'à la suivante. Mon bras ne m'inquiète pas outre mesure mais il faut que je songe à descendre à l'infirmerie me badigeonner de cicatrisant et mettre un bandage de soutien. Le visage du commandant de l'Eridan, déformé par la fatigue, apparaît sur mon écran personnel.
- Pff... je respire enfin. J'ai rarement vécu des situations aussi désespérées. Merci Michel!
- Merci à tous Charles... C'est grâce à la collaboration de nos équipages respectifs que nous sommes en vie. Je n'arrive pas à croire que l'armée soit aussi pourrie... Je vais établir un rapport à l'intention du vieux Pop's dès que possible. La situation est critique...
- Ouais, effectivement. J'ai pu observer un bon nombre "d'irréguliers" arborant fièrement le brassard barré du Triton. Ce qui m'inquiète le plus c'est de savoir jusqu'où le ver s'est glissé dans le fruit et à quel niveau notre hiérarchie c'est mouillée dans cette voie.
- Tu as parfaitement raison mais sache une chose, nous pouvons et je dirais même devons faire confiance à l'Etat-Major de la FIG. Nous sommes l'élite de la profession et nous pouvons nous targuer de notre loyalisme envers la FedGal. La trahison n'a aucune prise sur nos services. Bon! Trêve de bavardages, la conjoncture actuelle n'est pas de tout repos. Je te propose d'organiser les quarts de surveillance. Tu prendras la première tranche... je suis vanné!
- Pas de problème Michel! Va te soigner et prendre du repos; je ne te dérangerais qu'en cas de pépin.
- Merci! Je vais rédiger la note pour Lotan et l'envoyer en cryptofréquence. A tout-à-l'heure. Terminé!
Ouf! Me voilà seul... Aïe! Ma douleur s'est ravivée... Je descends dans le bloc médicalisé. Là, je m'injecte une solution d'antalgésique et de vitamax pendant que mon bras trempe dans une solution coagulante. Je passe rapidement mon anatomie au scanner... rien de spécial! Tant mieux! Je bande rapidement le tout et quitte le DIR.DOC. J'emprunte l'échelle centrale et débouche dans le mess où j'en profite pour m'attabler et boire un coup. Tel un torrent de feu, le liquide alcoolisé se répand dans ma bouche et se déverse dans mes tripes... pff! Quel soulagement de s'en être sorti indemne. J'ai connu des situations limites lors de précédentes missions, mais aussi épuisante que cette dernière... pas souvent. J'établirais le rapport pour Lotan un peu plus tard; je suis trop crevé pour réfléchir correctement. Pour l'instant, le Milkyway est sous la houlette du lieutenant Verrat et je n'ai pas de souci à me faire. Holà! Ma piqûre fait effet, j'ai la tête qui tourne et le sol de la cabine semble venir à ma rencontre. D'une démarche peu assurée, je traverse les quelques pas menant à ma couchette et m'effondre dessus.

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